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Prologue

 

   Les Créateurs observèrent de leurs yeux émerveillés la pluie d’étoiles argentées dessiner des contours humains devant eux. Deux silhouettes de la taille d’un poupon se formèrent, et celles-ci retombèrent magiquement. La Déesse et son compagnon s’empressèrent de recueillir chacun un bébé dans leur bras avant qu’ils n’atteignent le sol, et les enlacèrent tendrement.

—Une fille et un garçon, déclara fièrement la femme lumineuse, ses yeux emplis de tendresse, rivés sur les deux rejetons. C’est merveilleux...

   Tandis que les étincelles étoilées se dissipaient autour du petit corps tenu par l’homme, celles entourant l’enfant bercé par la Déesse redoublèrent d’ardeur. Son compagnon leva sur elle un regard interrogateur. D’ordinaire, la pluie d’étoiles cessait au moment de la naissance. Cependant, les étincelles continuaient de briller, illuminant l'enfant d'une douce lueur argentée. Les Créateurs s'observèrent longuement, dubitatifs. L'homme semblait chercher une explication à ce qui se produisait, tandis que sa compagne berçait la petite fille toujours entourée de petits éclats étoilés, calmant ses pleurs. L'enfant s'apaisa lentement, cessant de se débattre dans les bras de sa mère. Son frère en revanche semblait parfaitement calme, sommeillant paisiblement tandis que son père le maintenait contre lui.

La Déesse libéra l'une de ses mains et la tendit devant elle, paume vers l'extérieur. Une légère brume s'en échappa, puis forma peu à peu une sphère. Tandis que son compagnon était occupé à bercer le garçon à l'écart, elle concentra toute son énergie sur la magie à laquelle elle venait de faire appel et observa la sphère, guettant un signe des Étoiles. Des reflets sombres vinrent se mêler à la couleur gris clair de la brume, dansant tels de petits serpents prisonniers à l'intérieur. Les minuscules filaments s'associèrent pour se regrouper en deux branches, l'une claire et l'autre plus foncée, s'entrelaçant et formant un tourbillon lumineux. Quelques instants plus tard, une flamme argentée jaillit de la sphère, la recouvrant d'un feu magique. La Déesse observait le phénomène en silence, tandis qu'au soulagement se mêlait une étrange crainte. Leur premier enfant, également né d'une pluie d'étoiles, n'avait pas témoigné d'autant de potentiel. À leur grand étonnement, la puissance magique recelée par leur fille dépassait tout ce qu'elle avait connu. Elle était telle qu'elle ne sut s'il fallait s'en réjouir ou s’en inquiéter. Lorsque viendrait l'heure de lui révéler son ascendance et son pouvoir, serait-elle assez forte pour ne pas dévier de sa destinée ? La limite entre la lumière et l'ombre était parfois si mince... La femme lumineuse comprit le message adressé par les Étoiles et son expression s'assombrit en réalisant l'importance du rôle que cet enfant allait avoir sur l'univers... sans compter la difficulté de sa tâche.

« C’est un bien lourd fardeau à porter pour un seul être... » songea la Déesse en observant le visage paisible de sa fille endormie, lovée dans ses bras. Elle s’approcha de son compagnon, lui fit face, et devant son expression perplexe lui annonça la nouvelle sans plus de détours.

—L’élue est née...

 

 

Extraits

 

Il comprit la dimension précieuse et fragile de l'instant et réprima toute la colère qui résidait en lui. Amusée par ses expressions changeantes qui traduisaient ses pensées, la jeune femme le combla de caresses jusqu'à ce que son demi-frère demande grâce en riant. En riant... Depuis quand n'avait-il pas ri ? Il fouilla dans ses souvenirs pour trouver la réponse, en vain. Sa vie était devenue un enfer, et lui, un monstre sans nom.

 

 

Vestigem se releva péniblement, plongeant ses yeux océan dans ceux de la femme qu'il ne cesserait d'aimer.

—Héra... Je... Il faut que tu saches...

Il ne put terminer sa phrase, les mots semblaient bloqués dans sa gorge. Après cela, il ne pourrait plus revenir en arrière. Rien ne serait plus jamais pareil... Héra retint son souffle. L'attente lui parut interminable. Les secondes s'apparentaient à des siècles et le silence était plus pensant que la plus violente des sécheresses. Qu'hésitait-il tant à lui dire ? Il était libre, arraché aux liens qui le liaient à la secte -tant physiques que symboliques- alors pourquoi ? Pourquoi un tel malaise entre eux ? Finalement, ses lèvres remuèrent et il livra difficilement son fardeau.

 

 

Il ne pouvait le nier : Héra l'intriguait. Elle ne le fuyait pas. Ne le craignait pas. N'essayait pas d'esquiver son toucher, ne détournait pas les yeux de sa cicatrice là où tant d'autres s'évertuaient à se soustraire de sa vue. Dans le royaume, il était considéré comme un rôdeur et un assassin à éviter comme la peste elle-même. Sa venue était toujours synonyme d'agonie et de malheur. Mais c'étaient des qualificatifs qu'il ne pouvait renier, car ce n'était que le reflet de la vérité. C'était bien ce qu'il était. Un monstre. Un monstre épris d'un ange.

 

 

« Je ne veux pas que tu t’en ailles... » sanglota intérieurement la petite fille, tandis que les griffes du dragon resserraient leur emprise sur elle. Un nouveau filet de sang perla le long de son cou, souillant la robe écarlate qu'elle portait.

 

 

 

Elle ne put s'empêcher de lancer un dernier regard à l'endroit où son ami se tenait quelques instants plus tôt. Même si elle ne le montrait pas, cette décision la déchirerait à jamais... Personne n'avait su l'accepter telle qu'elle était, mieux que lui. Il l'avait toujours traitée avec respect et amitié, même si leurs caractères différaient sur beaucoup de points.

 

 

Le loup frotta sa truffe dans le creux de la nuque de Liamkha, comme pour le remercier à son tour, puis s'éloigna, sa silhouette lentement happée dans le paysage comblé de verdure, se confondant presque avec les ombres qu'étirait le clair de lune. Arca observait la scène en silence, bouleversée.

—C'est terminé. Viens, murmura le garçon en lui tendant sa main.

 

 Il aurait dû paraître bien plus surpris de cette invraisemblable métamorphose et pourtant, tout ce que ses yeux reflétaient à l'instant où il avait vu son corps baigner dans une lueur surnaturelle, c'était du désespoir. Et Vestigem n'oublierai jamais son expression grave, presque résignée, lorsque le mystérieux cercle rougeoyant était apparu. Comme si ce phénomène sonnait le début d'une tragédie. Le commencement de quelque chose qui n'aurait jamais dû se manifester. Il ne croyait pas si bien dire.

 

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